Paru pour la première fois en 2007, réédité en 2017 chez Mare Nostrum, Vous aurez de mes nouvelles dans les journaux n’a de fantastique que la précocité de son héroïne Elvira, capable de rédiger son journal dès l’âge de trois ans.

L’ouvrage se porte davantage sur le noir et le thriller, mais j’en parle quand même ici. Alors que Catalan Psycho versait dans une surenchère de sordide parodique et que l’extraordinaire Requiem pour une racaille foisonnait de degrés de lecture et terrifiait par sa profondeur, "Vous aurez de mes nouvelles" est un roman bref, lapidaire, choc. Presque une novella tant il est court, presque une pièce de théâtre tant ce roman choral enchaîne les scènes brutes, les pensées sans analyse.

Gil Graff nous propose le parcours d’une fillette dans une famille déglinguée. Sa mère, jeune infidèle, nymphomane vénale, grasse et stupide, et son père Tom, le beau mécano un peu simple qui l’aime malgré tout, qui ferme les yeux quand la couleur de la peau de sa fille montre qu’elle n’est pas de lui. Elvira, trop intelligente pour son âge, se trouve être adultophile. Tom est pour elle, et le jour de ses quinze ans, elle lui offrira sa virginité. Et malheur à ce qui barre son chemin, qu’il s’agisse de sa propre mère, ou d’un simple chien.

Le roman s’écarte par moments du point de vue d’Elivra pour nous plonger dans celui des autres personnages de la pièce. Tom, le patron du garage Roger, Chantal l’amie lesbienne d’Elvira et d’autres encore. Moins glauque que d’autres livres de la même auteure - parfois même curieusement sage quand on connaît Graff - celui-ci joue néanmoins sur le cru, le sexe, l’immoral. Gil Graff sait appuyer là où ça dérange le lecteur, elle flirte avec l’inconfort comme on promène quelqu’un dans une voiture un peu molle, juste au bord de la nausée sans jamais s’y jeter.

On pourra regretter qu’une fois les mécanismes du scénario éventés, vers la moitié de l’ouvrage, il n’y ait guère de surprise quant à l’inéluctable progression d’Elvira. Mais ce n’est pas un livre de coups de théâtre. C’est un livre qui interroge le voyeurisme du lecteur et son goût pour le fait divers. En ces époques de néo-puritanisme, il aurait même des relents de subversif. A découvrir, mais à ne pas mettre entre toutes les mains.

Categories: , ,